Cette année non plus je ne serais pas au bord de la route. Route, le mot est fort pour désigner ces chemins pavés où le reste de l'année il passe surtout des engins agricoles. Il y a bien longtemps que l'on a goudronné les routes un peu importantes et les rues des villes.
J'ai bien quelques souvenirs de pavés disjoints où je roulais à vélo, où j'étais secoué et où cette pauvre bicyclette souffrait sans doute encore plus que moi. Les derniers ont disparu quand j'habitais encore là bas. Il fallait être moderne et en plus, ces pavés, ce n'était pas très bon pour l'automobile toute puissante. Pas plus que pour ces vélos où il fallait appuyer fort sur la pédale pour avancer sur le grès glissant les jours de pluie.
Paris-Roubaix, c'est le souvenir de dimanches à la campagne où l'on écoutait le transistor pour savoir où ils allaient passer. Passer, c'est le mot. Il reste l'image furtive d'un champion couvert de boue, qui disparaît déjà sans avoir vu ni entendu cette femme qui crie « Vas-y Poupou ». Pourtant c'étaient les Rick Van Looy, Jan Jansen, Walter Godefroot ou bien sur Eddy Merckx qui étaient devant. Mais on avait vu Poupou.
On admirait les coureurs, au point d'escalader la côte de Mons en Pevèle, par le côté le plus difficile. Évidemment, ce n'est pas l'Aubisque, mais c'était notre Tourmalet. Et puis, dans les Pyrénées, ils n'ont pas les pavés. C'est sûr, nous nous prenions pour les coureurs de Paris-Roubaix en roulant sur ces pavés pour aller à l'école.
Il m'est arrivé de regarder Paris-Roubaix à la télévision en direct tout en étant à des milliers de kilomètres. C'est sans doute dans ces occasions que je me sentais le plus appartenir à ce pays qui défilait.