A l’enterrement d’internet, il y avait foule. On avait bien fait les choses.
A Paris, on lui avait réservé un caveau au Père Lachaise et la foule s’était réunie, nombreuse, sur le boulevard de Ménilmontant pour suivre le funèbre cortège. Puisqu’on était en France, il avait fallu de longs débats, et même un vote à l’Assemblée pour décider que l’on ne réquisitionnerait pas Notre-Dame, que ce serait laïque comme il sied à notre République. Certains avaient pensé conduire le défunt symboliquement au Panthéon, mais il était plein.
A Rome pourtant, le pape s’était montré à son balcon et avait, en latin, béni le disparu en rassurant l’immense assemblée qui convergeait vers la place Saint-Pierre. « Deo gratias, te absolvo in nomine Patris et Fillii et Spiritus Sancti» dit le pontife et la foule compris qu’une place au paradis était ouverte.
A Bombay, on avait dressé un grand bûcher pour libérer l’âme et lui permettre de se réincarner bientôt. On s’interrogeait toutefois pour savoir si le cycle éternel pourrait dans ce cas s’accomplir car on ne savait pas très bien ce qui avait brulé.
A Washington, on pensa convoquer les fidèles à la cathédrale nationale, ce bâtiment blafard en béton gothique pas très flamboyant, puis on se ravisa et c’est le mall qui se noircit de monde, comme au temps lointain où d’autres réclamaient un cessez-le-feu à Saïgon.
A Santiago, c’est un grand stade qui fut choisi, mais les anciens, on ne sait pourquoi, refusèrent de s’y rendre, arguant qu’ils y avaient de mauvais souvenirs, ceux d’une époque que l’on croyait révolus et qui, pourtant, semblait revenir puisqu’internet, déjà avait trépassé.
Oui, beaucoup pleuraient.
Pendant que quelque uns, réunis chez leur grand gourou, un certain Z., fêtaient sans honte la fin de celui qu’ils avaient épuisé et laissé, exsangue, mourir.
Ils ne fêtèrent d'ailleurs pas longtemps car bientôt un signal pirate leur arriva qui disait « Arpanet strikes again ».