Chaque matin, je passe près du stade, le grand. Et chaque matin, j’aperçois ces jardins ouvriers. Ce qu’il en reste. Poche de verdure réduite de plus en plus à la portion congrue. Je vois des tournesols narguant de leurs soleils les tours de béton et de verre qui ne demandent qu’à les écraser.
Autrefois, les ouvriers habitaient et travaillaient à la plaine Saint Denis et on leur avait concédé un lopin de terre. Il n’en reste presque plus rien.
Parfois, en les apercevant, je rêve que leurs murs soient repoussés, qu’ils reprennent vigueur et renversent immeubles et autoroutes. Qu’un plant de tomate pris de folie devienne ce géant qui monte et envahit ces pics qui se dressent et leur cachent le ciel. Que d’un chou gigantesque éclose un monde où l’homme reprendrait vie.
La mort de bitume et de pierre rode, elle guette ce havre vert et susurre à l’oreille des promoteurs quel profit ils pourraient créer de ce chancre archaïque. Salades et limaces n’ont qu’à bien se tenir ! On leur gardera une « rue des jardins », qu’on finira par rebaptiser du nom d’un glorieux bâtisseur.
Jusqu’à ce qu’un jour, quand tout ne sera plus que ruines, une graine oubliée ne vienne.
La rate de Paris |
◄ Longueur | Jardins | Derniers adieux ► |