« 30000 sans-abris, faut-il qu’ils dévoilent leur patrimoine pour qu’on en parle ? ».
RT @croixrouge 33.000 personnes sans abri en France : Faut-il qu'ils dévoilent leur #patrimoine pour qu'on en parle ? twitter.com/CroixRouge/sta…
— PartiPirate (@PartiPirate) 17 avril 2013
C’est un tweet, cent fois renvoyé et répété qui m’est arrivé. Nous nous sommes amusés ici et ailleurs à propos de ces récents étalages de bonne fortune où chacun dévoilait à qui mieux-mieux son accumulation d’appartements, de maisons de campagne ou de ville, d’œuvres d’art, de véhicules de luxe ou de vielles guimbardes brinquebalantes, voire de bicyclettes dont on ne sait même pas si elles sont rutilantes.
Et puis, une proposition incongrue : le patrimoine des sans-abris. Ne remet-elle pas à sa place l’indécent déballage qui nous a été proposé ces derniers jours ? Car enfin, sérieusement, ceux qui exposent ainsi au prétexte de transparence ce qu’ils ont acquis ou reçu par une heureuse naissance, ont-il la moindre idée de ce que cela représente pour le commun des mortels ?
Je prendrais comme référence le capital considéré comme une fortune pour l’impôt, soit le seuil de l’ISF qui est de 1,3 millions d’euros. C’est plus d’un siècle de SMIC. Ou encore un siècle d’économies pour quelqu’un qui gagnerait 5000€ par mois et en mettrait 20% de côté. Cela suffit avec les chiffres, je voulais juste dire qu’il n’est pas possible d’obtenir une telle fortune avec des revenus du travail, même avec un salaire qui pour beaucoup semble énorme.
A lire toutes les déclarations récentes, on pourrait croire pourtant que ces « patrimoines » sont normaux et d’une banalité tout à fait commune. Eh bien non !
Chaque matin, en partant travailler, je croise ces morts errants. Ceux que la société a rejetés et qui se débrouillent comme il peuvent pour survivre. Morts pour la société des gens normaux, qui ont ou qui rêvent d’avoir ce fameux patrimoine qui fait qu’on a réussi sa vie, même si elle est un désert brillant. Je pense à ces hommes sans âge qui déclament leur histoire, réelle ou inventée, dans les voitures du métro pour obtenir quelques pièces. Je pense à cette femme qui est assise tous les matins dans cette salle immense où se croisent, sous Paris, des milliers de gens qui ne la regardent pas, pas plus qu’ils ne se voient entre eux, cette femme assise avec la photo de ses enfants chaque jour, sauf le mercredi puisque ce jour là, ils sont en chair et en os près d’elle. Je pense aussi à cet homme, régulièrement installé un peu plus loin qui semble noyer ce qui lui reste d’existence dans une bouteille dont le bouchon, toujours, a été repoussé dans le vin faute d’un autre moyen de l’ouvrir. C’est donc son patrimoine à lui dont je vais ici dresser l’inventaire :
· Un pantalon usé, taché, crasseux
· Un reste de pull-over usé, taché, crasseux aussi
· Un carton
· Une bouteille entamée à partager avec qui en veut
Voilà, c’est tout. On lui pardonnera d’avoir accumulé autant en une vie. Parfois, en plus, il chante. J’en déduis qu’il a aussi un patrimoine intérieur, mais celui-là, nous aurons ensemble la pudeur de ne pas le divulguer.