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17 mars 2010 3 17 /03 /mars /2010 21:00

Il s’est trompé de cible, il s’est trompé de méthode. Il est fatigué de vivre parce qu’il ne voit pas d’issue à cette mort dans laquelle il est. La condamnation qu’il avait prononcée l’a tenu debout un temps mais c’est fini. Que sa sentence ait ou pas été exécutée ne change rien à son sort. Et même ce qu’il a lancé, sans s’en rendre compte, ne l’aide pas. Il aurait dû aller casser la figure de ces gens de sa banque, ceux qui l’ont laissé s’enfoncer, qui ont appuyé sur sa tête quand il surnageait encore. Il aurait pu aller tuer Vaguignet, cet individu obséquieux et répugnant. Oui, le tuer, faire couler son sang. Et mourir.

 



Cette fois, c’est à la mort qu’il pense, la vraie, pas celle où il dit errer. Il voit le canal, il sait qu’il n’aura jamais le courage de s’y jeter et de s’y laisser couler. Mourir avec l’image de Delphine et emporter à jamais son amour. Et rejoindre le canal, d’où il n’aurait jamais dû partir.



Il a un nouvel objectif, la mort de Vaguignet. Il sait pourtant que cet homme là a été bien plus incompétent que méchant mais il ne lui pardonne pas ses mensonges, son ton mielleux quand il espérait encore gagner de l’argent avec le mauvais client qu’il était devenu, toucher ses primes et commissions peut-être. Vaguignet serait un petit joueur dans le monde de Taillembelle, Weber et Bourget, l’esclave des esclaves de luxe qui le mépriseraient. Il se rend compte que l’élimination de Vaguignet était une tâche plus en rapport avec ses moyens.



Cette fois, ce n’est plus la déchéance de son ennemi qu’il envisage, il veut sa mort, il veut voir son sang, son corps déchiqueté. Mort, il le veut mort. Il ne sait pas plus comment s’y prendre que pour l’autre mort, la mort sociale qu’il a décrétée pour Taillembelle. Il saura. Il pense à fabriquer une bombe, à la déposer dans l’agence bancaire, à la faire sauter avec lui peut être. Il lui reste assez de souvenir de chimie pour y arriver, et il paraît que l’on peut trouver facilement le mode opératoire sur internet. Il ne vérifie pas, cette mise en scène le dégoûte. Il voudrait plutôt le tuer et sentir son ennemi mourir en silence, le regarder agoniser et lui dire pourquoi il meurt, à cause du mépris dont il a fait preuve.



Quand il cherchait à détruire Taillembelle, il s’était dit que tuer, par le sang, serait plus facile. En un sens, oui, çà l’est : il suffit de trouver le moment, le lieu, le moyen et ce serait l’espace d’un instant. Il hait Vaguignet, il a de bonnes raisons, bien plus que pour Taillembelle. Il voudrait le voir souffrir, le voir mourir aussi. Mais le tuer, non, il ne le peut pas.



C’est à sa mort, la sienne, qu’il pense. La mort, il n’en a plus peur. Qu’il trouve Dieu ou le néant, il n’a pas peur.



« Dieu ! Sors moi de là ! Mourir ? Et après ? Si je meurs, est ce que je ne laisse pas en chemin un travail inachevé ? Si je tue Vaguignet, que feras tu ? Et comment as-tu pu laissé se créer un être aussi méprisable ? Vaguignet, pire que Taillembelle. Mais je te connais, tu vas me reprocher ma haine, me dire que je dois pardonner. Il m’a tué ce salopard, tu ne peux pas comprendre çà ? Mais si, tu comprends, tu comprends tout, tu es tout, tu es Dieu. Je l’oublie parfois. Est-ce toi qui me fait penser à tuer, et à mourir ? Je m’en fous de cette loque, de ce Vaguignet. Il ne vaut même pas le temps d’y penser. Et moi qui te demandais un miracle, un miracle pour faire revenir Delphine vers moi. Est-ce toi qui m’envoies la mort en réponse ? Celle de ce chancre de Vaguignet, et la mienne ? Le canal. Je l’aime le canal, mais pas au point d’y mourir. Tu es un monstre, Dieu ! Ou alors tu as de drôles de voies pour faire comprendre aux imbéciles dans mon genre ce qu’ils doivent faire. »



Il est encore retourné vers Dieu, à sa façon, comme toujours. Est-ce Dieu ou est-ce lui qui vient de décider qu’il allait se battre, ne plus vouloir mourir, et achever Taillembelle, Weber et Bourget.

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