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4 décembre 2013 3 04 /12 /décembre /2013 12:13

 

Si la Garonne elle avait voulu, elle aurait absorbé le Danube. Mais elle n’a pas voulu quitter son cher pays de Gascogne. Du moins ça, c’est ce que chantait Julos, le wallon, un cousin en quelque sorte.

 

Car en réalité, si la Garonne s’est avérée casanière, c’est la Baïse qui s’en est allée absorber la Scarpe, l’Escaut et même les trois Volta. Elle ne négligea ni l’Oise, ni quelques canaux. Elle dédaigna la Seine, hautaine, et lui préféra l’industrieux canal Saint Martin.

 

La Garonne n’a pas voulu, lanturlu. Et pourtant, sa sœur la Baïse délaissa les fûts d’Armagnac pour rejoindre quelques verts jus des coteaux de l’Oise pendant que plus au nord, les enfants de l’Escaut et ceux de la Scarpe ignoraient qu’un jour ils la rejoindraient aussi. Sans doute quelques bateaux, tirés par la force de l’homme, sentirent-ils près de leurs flancs le courant de la Baïse qui cherchait encore son chemin. Sans doute.

 

Où sont-ils ? Où sont ces âmes errantes qui m’ont guidé jusqu’à Melchior Groulez et bien d’autres, à ceux qui vécurent au bord de la Scarpe, ignorant qu’un peu plus loin l’Escaut portait déjà ceux qui les rejoindraient plus tard, à quelques générations. Et bien sûr, ignorant jusqu’à l’existence de cette Baïse qui pourtant venait à eux.

 

Melchior, le brasseur de Marchiennes dont la lignée est faite de boulangers, de cordonniers était le contemporain de Sébastien, cultivateur à Nivelle, qui mourut en 1820 à l’âge de près de 87 ans, ou encore de François, manouvrier à Pierrefonds, ou de Jean-Baptise, de Condé sur l’Escaut, batelier déjà, comme toute sa descendance pendant près de deux siècles. Je ne sais rien de ceux qui vivaient près de la Baïse à la même époque, la faute au département du Gers qui est un des derniers à ne pas avoir ms ses archives d’état civil en ligne.

 

Ah, les archives. Ce ne sont que des mots, mis sur le papier par l’officier d’état civil ou, avant la Révolution, par le curé. Ils sont souvent difficiles à déchiffrer, et l’orthographe des noms varie d’une génération à l’autre. Mais au-delà des caractères noirs sur le papier jauni par le temps, ce sont des vies qui défilent, souvent courtes, et presque toujours on les imagine de labeur. La plupart de ces ancêtres ont eu, selon les registres, la profession de manouvier ou de journalier, c'est-à-dire d’ouvriers agricoles si on veut absolument utiliser une terminologie moderne. Et puis, il y a ces générations de bateliers, dont l’état varie de « garçon batelier » à « maître batelier », dont les plus anciens n’ont guère dû quitter l’Escaut et les alentours de Condé et qui plus tard, s’enhardirent et naviguèrent sur toutes les rivières et les canaux du nord de la France, naissant au gré des chargements, là où le bateau voulait, obligeant ainsi le généalogiste futur à compter sur la chance pour retrouver l’ancêtre pas si lointain doté des improbables prénoms de Clotère Charlemagne et né à Pontoise au moment où un autre ancêtre naissait près de la Baïse.

 

Et c’est ainsi que si la Garonne elle a pas voulu (lanturlu), la Baïse, elle, s’est laissée aller.

 

 

 

 

http://upload.wikimedia.org/wikipedia/commons/2/22/Marchiennes_-_Tr%C3%A9filerie.jpg

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commentaires

M
<br /> Bonjour Lyonnel,<br /> <br /> <br /> très intéressant.<br /> <br /> <br /> Une vie pas facile sans doute mais, peut-être, avec un certain sentiment de liberté. Et celle-ci a un prix élévé. La sédentatrisation , une sirène au chant très attirant<br /> <br /> <br /> J'espère que tu vas bien Lyonnel<br /> <br /> <br /> passe un bon été<br /> <br /> <br /> <br />
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N
<br /> Une belle histoire, lanturlu. Les bateliers font toujours rêver...<br />
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L
<br /> <br /> La tradition familiale me dit qu'ils aspiraient souvent à un boulot plus sédentaire.<br /> <br /> <br /> <br />
F
<br /> Et l'escaut offre de merveilleux paysages<br />
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L
<br /> <br /> Bizarrement, je les connais mal: les canaux me sont plus familiers. Les bateaux...<br /> <br /> <br /> <br />