Hier c'était donc le jour de Paris-Roubaix. Comme toujours quand je suis loin, j'ai allumé ma télé pour regarder. Je regarde peu la course, elle m'intéresse beaucoup moins qu'à dix ans quand je rêvais de Poulidor. Je me souviens avoir vu passer les champions, je ne sais pourquoi c'est le nom de Gimondi qui me revient et bizarrement, ou peut-être est à cause de cela, le nom de l'équipe, Salvarani, qui avait la consonance du nom d'un de mes copains d'école, lequel dans une oreille d'adulte une bonne quarantaine d'années plus tard n'a finalement en commun que le début et la fin. Un nom italien. Les noms polonais, c'est plus tard, au lycée que je les ai rencontrés.
Si je regarde Paris-Roubaix, rituellement ainsi, ce n'est donc guère pour la course, ou alors d'un œil distrait. Car il est occupé l’œil. Je retrouve les routes, les villes, les villages de mon enfance. Parfois, on devine un terril mais rarement j'arrive à le situer.
Cette année, c'est la centrale d'Hornaing qui s'est invitée. Ses grandes tours sont visibles de très loin pour peu que l'on habite un étage élevé. Je me demandais si elle était encore en activité, cette centrale thermique au charbon datant des années 50, quand les mines fournissaient à la région mais aussi au pays, qui s’avérerait plus tard fort peu reconnaissant, toute l’énergie dont ils avaient besoin. Quelle n'a pas été ma surprise de découvrir qu'elle vient de fermer, après un nouveau combat syndical pour repousser l'échéance, un de plus dans cette région qui a vu disparaître tant d'industries, sacrifiées pour libérer de l'argent à faire fructifier sans ouvriers. Bon, ce n'est pas le sujet...
Et puis, nous avons traversé Orchies sans rien dire. J'ai reconnu l'église de Bersée, si massive. Et ensuite, un mythe de ma jeunesse, Mons en Pevèle, sa dure montée. Pour les coureurs, ce n'est qu'un secteur pavé vaguement en faux plat. Mais à quatorze ans, sur un demi-course, ce n'était pas si facile.
Après, on quitte mon pays, on entre dans la région de Lille, pour ainsi dire l'étranger. Voilà, j'ai eu ma dose de maisons en brique rouge, de routes cette année sans boue mais dont les bas-cotés sont bien dotés de fossés où l'eau est présente. Je peux reprendre mes activités normales.
Juste encore un détail. L'enfer du Nord, il a plutôt un goût de paradis.
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