Quand j’étais élève, la rentrée des classes, c’était vers le 15 septembre. Nous avions ces deux semaines avant la reprise des cours, elles étaient à nous. Nous nous étions quittés fin juin, certains étaient partis en juillet, d’autres en août, et certains pas du tout mais quand septembre arrivait, tout cela était oublié et nous avions ces quelques jours, ceux où le soleil d’été se montre encore pour nous retrouver.
Nous savions qu’une fois les cours repris, l’automne, puis l’hiver arriveraient vite et nous profitions des derniers beaux jours. A vrai dire, dans mes souvenirs, je confonds les années. Septembre, c’était la foire de la ville, foire commerciale où nous traînions sans but. Le plus dur était de rentrer sans payer, nous y arrivions à force d’astuces diverses entre invitations collectées par ci par là ou quelquefois fort douteuses. J’ai oublié les jours de pluie, je ne garde en mémoire que ceux où la chaleur rendait plus forte l’odeur de la bière et des frites. Tout se mélange. Les années du lycée quand il était bien plus intéressant de s’installer au fond du grand café de la place d’armes que de déambuler dans des rues que, déjà, nous regardions de haut.
Elles n’était pas très passionnantes, ces rues, pour nos seize ans. Bien sûr, aujourd’hui, la nostalgie me fait voir une animation qui sans doute n’existait guère. Je revois quelques vitrines, car à l’époque, on les regardait encore les vitrines des petits commerces des rues d’une ville comme on dit moyenne, on ne rêvait pas devant les rayons des hypermarchés ou des centres commerciaux géants.
Et puis, pour voir les copains, il fallait aller là où on savait qu’ils seraient, là où ils savaient qu’ils nous retrouveraient à coup sûr. Ni internet, ni téléphones portables… Nous sortions pour nous voir, sans jamais savoir exactement qui serait là. Ni d’ailleurs où on se trouverait. « Le Globe », « L’Univers », le « Carnot », je pourrais en énumérer toute une liste mais à quoi bon, ils ont disparu, du moins tels que je les ai connus. D’autres générations nous ont succédé et ces jeunes là ont eu eux aussi leurs lieux comme celles qui nous ont précédés avaient eu les leurs.
Septembre, mais là je pense aux années lycées, c’était le moment de redécouvrir le goût de la « Pale », la Pelforth Pale… Nous laissions la brune aux jours d’hiver. Tout se mélange et c’est le jour de la bourse aux livres qui me revient maintenant. A cette époque, il fallait acheter les livres, et si pour certains cela se faisait à la librairie, pour la plupart des élèves, les livres étaient d’occasion. Bizarrement, nous étions les vendeurs et les acheteurs de cette braderie qui se tenait sous les arcades du lycée, dans cette partie qui est devenue le collège et qui ensuite a disparu à l’occasion de la construction d’un nouveau bâtiment. La bourse aux livres, une semaine avant la rentrée, c’était la dernière occasion de retrouvailles pour ceux qui n’habitaient pas la ville. Il faut dire qu’à cette époque, le lycée, dès la sixième accueillait les meilleurs élèves de l’arrondissement et pas seulement ceux du quartier. Certains parcouraient, dès dix ans, quinze ou vingt kilomètres en bus. Moi, c’était à vélo que je me rendais au lycée. Sans doute mon souvenir d’enfant exagère-t-il l’immensité du garage à vélo où les mécaniques rutilantes, demi course et mobylettes étaient garées. Extenseurs et pinces à vélo… C’était bien avant le goût de la Pale…
Aujourd’hui, c’est la rentrée des classes. Et c’est une de mes dernières comme « parent d’élève ». J’ai toujours détesté cette expression « parent d’élève » mais enfin, il faut bien désigner cela. Déjà, les matins où je passais à l’école primaire avant de partir travailler sont loin. Les enfants sont grands, comme on dit et il y a bien longtemps que je n’ai plus à accompagner personne, sauf quelques jours exceptionnels, jours d’examens. Mais là, c’est juste la rentrée. Quelle drôle d’idée de ne pas laisser le mois de septembre avancer un peu en vacances.